Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/304

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avait pas eu de victimes nouvelles, et lorsque nous nous présentâmes à la petite porte basse qui sert d’entrée au monastère, elle s’ouvrit pour nous. Après avoir passé un à un, en nous courbant sous l’étroite ouverture, notre premier mouvement fut celui de la surprise en nous trouvant dans une majestueuse église : quarante-huit colonnes de marbre, chacune d’un seul bloc, rangées sur deux files de chaque côté, formaient cinq nefs, couronnées par une charpente massive de bois de cèdre ; mais on y cherchait en vain l’autel, ou la chaire ; tout était brisé, délabré, dépouillé, et une muraille grossièrement cimentée partageait ce beau vaisseau à la naissance de la croix, et cachait ainsi la partie réservée au culte, que les diverses communions chrétiennes se disputent encore. La nef appartient aux Latins, mais ne sert que de vestibule au couvent ; on a muré la grande porte, et la poterne basse par laquelle nous avions pénétré a été construite pour soustraire ces restes vénérés à la profanation des hordes d’Arabes brigands, qui entraient à cheval jusqu’au pied de l’autel pour rançonner les religieux. Le père supérieur nous reçoit avec cordialité : sa figure douce, calme et heureuse, est aussi éloignée de l’austérité de l’anachorète que de la joviale insouciance dont on accuse les moines ; il nous questionne sur le pays que nous venons de parcourir, sur les troupes égyptiennes campées si près d’eux. Onze mois de réclusion l’avaient rendu avide de nouvelles, et il fut tout à fait rassuré en apprenant qu’Ibrahim-Pacha accordait protection aux populations chrétiennes de la Syrie.

» Après quelques instants de repos, nous nous préparons à entendre la messe à la chapelle de la Crèche ; on allume