Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/341

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nople, que le pilote me montre du doigt, n’est qu’une ville blanche et circonscrite sur un grand mamelon de la côte d’Europe. Était-ce la peine de venir chercher un désenchantement si loin ? Je ne voulais plus regarder.

Cependant les bordées sans fin du navire nous rapprochaient sensiblement ; nous rasâmes le château des Sept-Tours, immense bloc de construction, sévère et grise, du moyen âge, qui flanque sur la mer l’angle des murailles grecques de l’ancienne Byzance, et nous vînmes mouiller sous les maisons de Stamboul dans la mer de Marmara, au milieu d’une foule de navires et de barques, retenus comme nous hors du port par la violence des vents du nord. Il était cinq heures du soir, le ciel était serein et le soleil éclatant ; je commençais à revenir de mon dédain pour Constantinople : les murs d’enceinte de cette partie de la ville, pittoresquement bâtis de débris de murs antiques, et surmontés de jardins, de kiosques et de maisonnettes de bois peintes en rouge, formaient le premier plan du tableau ; au-dessus, des terrasses de maisons sans nombre pyramidaient comme des gradins d’étages en étages, entrecoupées de têtes d’orangers, et de flèches aiguës et noires de cyprès ; plus haut, sept ou huit grandes mosquées couronnaient la colline, et, flanquées de leurs minarets sculptés à jour, de leurs colonnades moresques, portaient dans le ciel leurs dômes dorés, qu’enflammait la réverbération du soleil : les murs peints en azur tendre de ces mosquées, les couvertures de plomb des coupoles qui les entourent, leur donnaient l’apparence et le vernis transparent de monuments de porcelaine. Les cyprès séculaires accompagnaient ces dômes de leurs cimes immobiles et sombres, et les peintures de diverses teintes des