Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/347

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angles sortants et rentrants, les ravins, les forêts, se répondaient des deux bords, et au pied desquels on distinguait à perte de vue une suite non interrompue de villages, de flottes à l’ancre ou à la voile, de petits ports ombragés d’arbres, de maisons disséminées, et de vastes palais avec leurs jardins de roses sur la mer.

Quelques coups de rames nous portèrent en avant et au point précis de la Corne-d’Or, où l’on jouit à la fois de la vue du Bosphore, de la mer de Marmara, et enfin de la vue entière du port ou plutôt de la mer intérieure de Constantinople : là nous oubliâmes Marmara, la côte d’Asie et le Bosphore, pour contempler d’un seul regard le bassin même de la Corne-d’Or et les sept villes suspendues sur les sept collines de Constantinople, convergeant toutes vers le bras de mer qui forme la ville unique et incomparable, à la fois ville, campagnes, mer, port, rives de fleuve, jardins, montagnes boisées, vallées profondes, océan de maisons, fourmilière de navires et de rues, lacs tranquilles et solitudes enchantées, vue qu’aucun pinceau ne peut rendre que par détails, et où chaque coup de rame porte l’œil et l’âme à un aspect, à une impression opposés.

Nous faisons voile vers les collines de Galata et de Péra ; le sérail s’éloignait de nous, et grandissait en s’éloignant à mesure que l’œil embrassait davantage les vastes contours de ses murailles et la multitude de ses pentes, de ses arbres, de ses kiosques et de ses palais. Il aurait à lui seul de quoi asseoir une grande ville. Le port se creusait de plus en plus devant nous ; il circule comme un canal entre des flancs de montagnes recourbées, et se développe plus on avance. Ce