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du château, et les Turcs ont le pied et une forteresse en Europe.

À quatre règnes de là, Mahomet II répondait aux ambassadeurs grecs : « Je ne forme pas d’entreprises contre vous ; l’empire de Constantinople est borné par ses murailles. » Mais Constantinople même, ainsi bornée, empêche le sultan de dormir ; il envoie éveiller son vizir, et lui dit : « Je te demande Constantinople ; je ne puis plus trouver le sommeil sur cet oreiller ; Dieu veut me donner les Romains. » Dans son impatience brutale, il lance son cheval dans les flots, qui menacent de l’engloutir. — « Allons, dit-il à ses soldats, le jour du dernier assaut, je ne me réserve que la ville ; l’or et les femmes sont à vous. Le gouvernement de ma plus vaste province à celui qui arrivera le premier sur les remparts ! » Toute la nuit, la terre et les eaux sont éclairées de feux innombrables qui remplacent le jour, tant il tardait aux Ottomans, ce jour qui devait leur livrer leur proie.

Pendant ce temps-là, sous cette coupole sombre de Sainte-Sophie, le brave et infortuné Constantin venait, dans sa dernière nuit, prier le Dieu de l’empire et communier, les larmes aux yeux ; au lever de l’aurore, il en sortait à cheval, accompagné des cris et des gémissements de sa famille, et il allait mourir en héros sur la brèche de sa capitale : c’était le 29 mai 1453.

Quelques heures plus tard, la hache enfonçait les portes de Sainte-Sophie ; les vieillards, les femmes, les jeunes filles, les moines, les religieuses, encombraient cette vaste basi-