Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/366

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lique, dont les parvis, les chapelles, les galeries, les souterrains, les tribunes immenses, les dômes et plates-formes, peuvent contenir la population d’une ville entière ; un dernier cri s’éleva vers le ciel, comme la voix du christianisme agonisant ; en peu d’instants soixante mille vieillards, femmes ou enfants, sans distinction de rang, d’âge ni de sexe, furent liés par couple, les hommes avec des cordes, les femmes avec leurs voiles ou leurs ceintures. Ces couples d’esclaves furent jetés sur les vaisseaux, emportés au camp des Ottomans, insultés, échangés, vendus, troqués, comme un vil bétail. Jamais lamentations pareilles ne furent entendues sur les deux rives d’Europe et d’Asie ; les femmes se séparaient pour jamais de leurs époux, les enfants de leurs mères ; et les Turcs chassaient, par des routes différentes, ce butin vivant de Constantinople vers l’intérieur de l’Asie. Constantinople fut saccagée pendant huit heures ; puis Mahomet II entra par la porte Saint-Romain, entouré de ses vizirs, de ses pachas et de sa garde. Il mit pied à terre devant le portail de Sainte-Sophie, et frappa de son yatagan un soldat qui brisait les autels. Il ne voulut rien détruire. Il transforma l’église en mosquée, et un muezzin monta pour la première fois sur cette même tour, d’où je l’entends chanter à cette heure pour appeler les musulmans à la prière. De là, Mahomet II se rendit au palais désert des empereurs grecs, et récita, en y entrant, ces vers persans :

« L’araignée file sa toile dans le palais des empereurs, et la chouette entonne son chant nocturne sur les tours d’Érasiab ! »

Le corps de Constantin fut retrouvé ce jour-là sous des