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portant leurs légumes à Constantinople, règne entre Scutari et Galata, et s’ouvre sans cesse pour donner passage à une autre file de grands navires qui débouchent de la mer de Marmara.

En revenant à la côte d’Europe, mais de l’autre côté du canal de la Corne-d’Or, le premier objet que l’œil rencontre, après avoir franchi le bassin bleu du canal, c’est la pointe du sérail. C’est le site le plus majestueux, le plus varié, le plus magnifique et le plus sauvage à la fois que le regard d’un peintre puisse chercher. La pointe du sérail s’avance comme un promontoire ou comme un cap aplati entre ces trois mers, en face de l’Asie : ce promontoire, à partir de la porte du sérail, sur la mer de Marmara, en finissant au grand kiosque du sultan, vis-à-vis l’échelle de Péra, peut avoir trois quarts de lieue de circonférence ; — c’est un triangle dont la base est le palais ou le sérail lui-même, dont la pointe plonge dans la mer, dont le côté le plus étendu donne sur le port intérieur ou canal de Constantinople. Du point où je suis, on le domine en entier : c’est une forêt d’arbres gigantesques dont les troncs sortent, comme des colonnes, des murs et des terrasses de l’enceinte, et étendent leurs rameaux sur les kiosques, sur les batteries et les vaisseaux de la mer. Ces forêts, d’un vert sombre et vernissé, sont entrecoupées de pelouses vertes, de parterres de fleurs, de balustrades, de gradins de marbre, de coupoles d’or ou de plomb, de minarets aussi minces que des mâts de vaisseaux, et des larges dômes des palais, des mosquées et des kiosques qui entourent ces jardins : vue à peu près semblable à celle qu’offrent les terrasses, les pentes et le palais de Saint-Cloud, quand on les regarde des bords