Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/380

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L’horizon de ce côté finit là, et l’œil redescend sur deux autres larges collines, couvertes sans interruption de mosquées, de palais, de maisons peintes jusqu’au fond du port, où la mer diminue insensiblement de largeur, et se perd à l’œil sous les arbres dans le vallon arcadien des eaux douces d’Europe. Si le regard remonte le canal, il flotte sur des mâts groupés au bord de l’échelle des Morts de l’arsenal, et sous les forêts de cyprès qui couvrent les flancs de Constantinople ; il voit la tour de Galata, bâtie par les Génois, sortir, comme le mât d’un navire, d’un océan de toits de maisons, et blanchir entre Galata et Péra, semblable à une borne colossale entre deux villes ; et il revient se reposer enfin sur le tranquille bassin du Bosphore, incertain entre l’Europe et l’Asie.

Voilà le matériel du tableau. Mais si vous ajoutez à ces principaux traits dont il se compose le cadre immense qui l’enveloppe et le fait ressortir du ciel et de la mer, les lignes noires des montagnes d’Asie, les horizons bas et vaporeux du golfe de Nicomédie, les crêtes des montagnes de l’Olympe de Brousse qui apparaissent derrière le sérail, au delà de la mer de Marmara, et qui étendent leurs vastes neiges comme des nuées blanches dans le firmament ; si vous joignez à ce majestueux ensemble la grâce et la couleur infinie de ces innombrables détails ; si vous vous figurez par la pensée les effets variés du ciel, du vent, des heures du jour sur la mer et sur la ville ; si vous voyez les flottes de vaisseaux marchands se détacher, comme des volées d’oiseaux de mer, de la pointe des forêts noires du sérail, prendre le milieu du canal, et s’enfoncer lentement dans le Bosphore en formant des groupes toujours nouveaux ; si les rayons du soleil cou-