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et y marcher pieds nus. Nous sommes entrés dans l’avant-cour de la mosquée de Sainte-Sophie, au milieu d’un certain nombre de gardes qui écartaient la foule réunie pour nous voir. Les visages des osmanlis avaient l’air soucieux et mécontent. Les zélés musulmans regardent l’introduction des chrétiens comme une profanation de leurs sanctuaires. Après nous, on a fermé la porte de la mosquée.

La grande basilique de Sainte-Sophie, bâtie par Constantin, est un des plus vastes édifices que le génie de la religion chrétienne ait fait sortir de la terre ; mais on sent, à la barbarie de l’art qui a présidé à cette masse de pierre, qu’elle fut l’œuvre d’un temps de corruption et de décadence. C’est le souvenir confus et grossier d’un goût qui n’est plus ; c’est l’ébauche informe d’un art qui s’essaye. Le temple est précédé d’un long et large péristyle couvert et fermé comme celui de Saint-Pierre de Rome. Des colonnes de granit d’une prodigieuse élévation, mais encaissées dans les murailles et faisant massif avec elles, séparent ce vestibule du parvis. Une grande porte ouvre sur l’intérieur. L’enceinte de l’église est décorée sur ses flancs de superbes colonnes de porphyre, de granit égyptien et de marbres précieux ; mais ces colonnes, de grosseur, de proportion et d’ordres divers, sont évidemment des débris empruntés à d’autres temples, et placés là sans symétrie et sans goût, comme des barbares font supporter une masure par les fragments mutilés d’un palais. Des piliers gigantesques, en maçonnerie vulgaire, portent un dôme aérien comme celui de Saint-Pierre, et dont l’effet est au moins aussi majestueux. Ce dôme, revêtu jadis de mosaïques qui formaient des tableaux sur la voûte, a été badigeonné quand Mahomet II s’empara