Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelle différence encore avec la beauté des Juives et des Arméniennes de l’Arabie, et surtout avec l’indescriptible charme des femmes grecques de la Syrie et de l’Asie Mineure ! Un peu au delà, tout à fait sur le bord des flots du Bosphore, s’élève le magnifique palais nouveau, habité maintenant par le Grand Seigneur.

Beglierbeg est un édifice dans le goût italien, mêlé de souvenirs indiens et moresques ; immenses corps de logis à plusieurs étages, avec des ailes et des jardins intérieurs ; de grands parterres plantés de roses et arrosés de jets d’eau s’étendent derrière les bâtiments, entre la montagne et le palais ; un quai étroit en granit sépare les fenêtres de la mer. Je passai lentement sous ce palais, où veillent, sous le marbre et l’or, tant de soucis et tant de terreurs ; j’aperçus le Grand Seigneur, assis sur un divan, dans un des kiosques sur la mer ; Achmet-Pacha, un de ses jeunes favoris, était debout près de lui. Le sultan, frappé de l’habit européen, nous montra du doigt à Achmet-Pacha, comme pour lui demander qui nous étions. Je saluai le maître de l’Asie à la manière orientale ; il me rendit gracieusement mon salut. Toutes les persiennes du palais étaient ouvertes, et l’on voyait étinceler les riches décorations de cette magnifique et délicieuse demeure. L’aile habitée par les femmes, ou le harem, était fermée ; elle est immense, mais on ignore le nombre des femmes qui l’habitent. Deux caïques, entièrement dorés et montés de vingt-quatre rameurs chacun, étaient à la porte du palais, sur la mer. Ces caïques sont dignes du goût le plus exquis du dessin de l’Europe et de la magnificence de l’Orient : la proue de l’un d’eux, qui s’avançait d’au moins vingt-cinq pieds, était formée par un