Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/400

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cygne d’or, les ailes étendues, qui semblait emporter la barque d’or sur les flots ; un pavillon de soie monté sur des colonnes d’or, formait la poupe, et de riches châles de cachemire servaient de siége pour le sultan ; la proue du second caïque était une flèche d’or empennée qui semblait voler, détachée de l’arc, sur la mer.

Je m’arrêtai longtemps, hors de la vue du sultan, à admirer ce palais et ces jardins : tout y semble disposé avec un goût parfait ; je ne connais rien en Europe qui présente à l’œil plus de magnificence et de féerie dans des demeures royales : tout semblait sortir des mains de l’artiste, pur, rayonnant d’éclat et de peinture ; les toits du palais sont masqués par des balustrades dorées, et les cheminées même, qui défigurent en Europe les lignes de nos édifices publics, étaient des colonnes dorées et cannelées, dont les élégants chapiteaux ajoutaient à la décoration de ce séjour. J’aime ce prince, qui a passé son enfance dans l’ombre des cachots du sérail ; menacé tous les jours de la mort ; instruit dans l’infortune par le sage et malheureux Sélim ; jeté sur le trône par la mort de son frère ; couvant pendant quinze ans, dans le silence de sa pensée, l’affranchissement de l’empire et la restauration de l’islamisme par la destruction des janissaires ; l’exécutant avec l’héroïsme et le calme de la fatalité ; bravant sans cesse son peuple pour le régénérer ; hardi et impassible dans le péril ; doux et miséricordieux quand il peut consulter son cœur, mais manquant d’appui autour de lui ; sans instruments pour exécuter le bien qu’il médite ; méconnu de son peuple ; trahi par ses pachas ; ruiné par ses voisins ; abandonné par la fortune, sans laquelle l’homme ne peut rien ; assistant debout à la