Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/404

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leurs talons, immobiles, la tête appuyée sur le revers de leur main ou sur le genou, elles nous regardaient d’un œil aussi doux et aussi triste que l’œil de la chèvre ou de l’agneau que la paysanne tient par la corde et marchande à la foire de nos villages ; quelquefois l’une disait un mot à l’autre, et elles souriaient. Il y en avait une qui tenait un petit enfant dans ses bras et qui pleurait, parce que le marchand voulait le vendre sans elle à un revendeur d’enfants. Il y avait, non loin de ce groupe, sept ou huit petits nègres de l’âge de huit à douze ans assez bien vêtus, avec l’apparence de la santé et du bien-être ; ils jouaient ensemble à un jeu de l’Orient dont les instruments sont de petits cailloux que l’on combine de différentes manières dans de petits trous qu’on fait dans le sable : pendant ce temps là, les marchands et revendeurs circulaient autour d’eux, prenaient tantôt l’un, tantôt l’autre, par le bras, l’examinaient avec attention de la tête aux pieds, le palpaient, lui faisaient montrer ses dents, pour juger de son âge et de sa santé ; puis l’enfant, un moment distrait de ses jeux, y retournait avec empressement.

Je passai ensuite sous les portiques couverts, remplis d’une foule d’esclaves et d’acheteurs. Les Turcs qui font ce commerce se promenaient, superbement vêtus de pelisses fourrées, une longue pipe à la main, parmi les groupes, le visage inquiet et préoccupé, et épiant d’un œil jaloux le moindre regard jeté dans l’intérieur de leurs magasins d’hommes et de femmes ; mais, nous prenant pour des Arabes ou des Égyptiens, ils n’osèrent cependant nous interdire l’accès d’aucune chambre. Des marchands ambulants de petits gâteaux et de fruits secs parcouraient la galerie, vendant aux esclaves quelque nourriture. Je glissai