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du Bosphore, sur lesquelles tombaient nos regards quand ils s’égaraient sur les jardins. Nous parlâmes avec discrétion, mais avec franchise, de l’état des négociations entre l’Égypte, l’Europe et la Turquie ; des progrès faits et à faire par les Turcs dans la tactique, dans la législation et dans la politique des diverses puissances, relativement à la Turquie. Rien n’eût annoncé dans nos entretiens que nous causions de ce qu’on appelle des barbares avec des barbares, et que l’oreille du Grand Seigneur lui-même, de cette ombre d’Allah, pouvait être frappée par le murmure de notre conversation. Elle n’eût été ni moins intime, ni moins profonde, ni moins élégamment soutenue, dans un salon de Londres ou de Vienne. Ces jeunes hommes, avides de lumières et de progrès, parlaient de leur situation et d’eux-mêmes avec une noble et touchante modestie. L’heure de la prière approchant, nous prîmes congé de nos hôtes ; nous ajournâmes à un autre moment la demande de notre présentation directe au sultan.

Namuk-Pacha nous confia à un colonel de la garde impériale, qu’il chargea de nous diriger, et de nous introduire dans l’avant-cour de la mosquée où le sultan allait se rendre. Nous franchîmes le Bosphore ; nous fûmes placés à la porte même de la petite mosquée, sur les degrés qui y conduisent. Peu de minutes après, nous entendîmes retentir les coups de canon de la flotte et des forts, qui annoncent tous les vendredis à la capitale que le sultan se rend à la mosquée ; et nous vîmes les deux caïques impériaux se détacher de la côte d’Asie, et traverser le Bosphore comme une flèche. Aucun luxe de chevaux et de voitures ne peut approcher du luxe oriental de ces caïques dorés, dont les proues s’élan-