Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/417

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tra dans la mosquée. Il n’y resta que vingt minutes. La musique militaire joua pendant tout ce temps des morceaux d’opéra de Mozart et de Rossini. Il ressortit ensuite avec le visage plus ouvert et plus serein, salua à droite et à gauche, marcha lentement vers la mer, et s’élança, en riant, dans sa barque. En un clin d’œil nous le vîmes toucher à la côte d’Asie, et rentrer dans ses jardins de Beglierbeg.

Il est impossible de n’être pas frappé de la physionomie de Mahmoud, et de ne pas faire des vœux secrets pour un prince dont les traits révèlent une mâle énergie et une profonde sensibilité. Mais, hélas ! ces vœux retombent sur le cœur, quand on pense au sombre avenir qui l’attend. S’il était un véritable grand homme, il changerait sa destinée, et vaincrait la fatalité qui l’enveloppe. Il est temps encore : tant qu’un peuple n’est pas mort, il y a en lui, il y a dans sa religion et dans sa nationalité, un principe d’énergie et de résurrection qu’un génie habile et fort peut féconder, remuer, régénérer, et conduire à une glorieuse transformation ; mais Mahmoud n’est un grand homme que par le cœur. — Intrépide pour combattre et mourir, le ressort de sa volonté faiblit quand il faut agir et régner. Quel que soit son sort, l’histoire le plaindra et l’honorera. Il a tenté de grandes choses ; il a compris que son peuple était mort, s’il ne le transformait pas ; il a porté la cognée aux branches mortes de l’arbre : il ne sait pas donner la sève et la vie à ce qui reste debout de ce tronc sain et vigoureux. Est-ce sa faute ? Je le pense. Ce qui restait à faire n’était rien, comparé à la destruction des janissaires.