Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/445

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grand vizir au pacha, à l’aga, à l’ayam ou seigneur du village. Ceux-ci choisissent la meilleure maison grecque, arménienne ou juive du pays, avertissent le propriétaire de la préparer pour des étrangers. Ils y font porter des fourrages pour les trente-deux chevaux dont se compose notre suite, et souvent un souper pour nous. L’ayam, accompagné des principaux habitants et de quelques cavaliers, s’il y a des troupes dans la ville, vient au-devant de nous à une certaine distance sur la route, et nous accompagne à notre logement. Ils descendent de cheval avec nous, nous introduisent, font apporter la pipe et le café, et, après quelques instants, se retirent chez eux, où je vais bientôt après leur rendre visite.

De Constantinople à Andrinople, rien de remarquable, rien de pittoresque, que l’immense étendue des plaines sans habitations et sans arbres, traversées de loin en loin par un fleuve encaissé et à demi tari qui passe sous des arches de pont ruiné. Le soir, on trouve à peine un mauvais village au fond d’un vallon entouré de vergers. Les habitants sont tous Grecs, Arméniens ou Bulgares. Les kans de ces villages sont des masures presque sans toits, où l’on entasse les hommes et les chevaux. La route continue ainsi pendant cinq jours. Nous ne rencontrons personne ; cela ressemble au désert de Syrie. Une fois seulement nous nous trouvons au milieu de trente ou quarante paysans bulgares, vêtus comme des Européens, coiffés d’un bonnet de poil de mouton noir. Ils marchent vers Constantinople aux sons de deux cornemuses. Ils poussent de grands cris en nous voyant, et s’élancent vers nous en nous demandant quelques piastres. Ce sont les Savoyards de la Turquie d’Europe. Ils vont gar-