Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/85

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scènes de la nature, pour que l’image qu’elle se forme de son Auteur soit digne d’elle et de lui.

Nous remontâmes à cheval au pied de la colline, dans la plaine au bord du fleuve ; nous traversâmes le pont, nous gravîmes quelques coteaux boisés du Liban, jusqu’au premier monastère, qui s’élevait, comme un château fort, sur un piédestal de granit. Les moines me connaissaient par les rapports de leurs Arabes, et me reçurent dans le couvent. Je parcourus les cellules, le réfectoire, les chapelles. Les moines, rentrant du travail, étaient occupés dans la vaste cour à dételer les bœufs et les buffles : cette cour avait l’aspect d’une cour de grande ferme ; elle était encombrée de charrues, de bétail, de fumiers, de volailles, de tous les instruments de la vie rustique. Le travail se faisait sans bruit, sans cris, mais sans affectation de silence, et comme par des hommes animés d’une décence naturelle, mais non commandés par une règle sévère et inflexible. Les figures de ces hommes étaient douces, sereines, respirant la paix et le contentement : aspect d’une communauté de laboureurs.

Quand l’heure du repas eut sonné, ils entrèrent au réfectoire, non pas tous ensemble, mais un à un ou deux à deux, selon qu’ils avaient terminé plus tôt ou plus tard leur travail du moment. Ce repas consistait, comme tous les jours, en deux ou trois galettes de farine pétrie et séchée, plutôt que cuite, sur la pierre chaude ; de l’eau, et cinq olives confites dans l’huile : on y ajoute quelquefois un peu de fromage ou de lait aigri ; voilà toute la nourriture de ces cénobites : ils la prennent debout ou assis sur la terre. Tous les meubles