Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/93

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cun sentier ne subsiste sur la surface de ces vagues ; le cheval et le chameau y passent, sans y laisser plus de traces qu’une barque n’en laisse sur l’eau ; la moindre brise efface tout ; quelques-unes de ces dunes étaient si rapides que nos chevaux pouvaient à peine les gravir, et nous n’avancions qu’avec précaution, de peur d’être engloutis par les fondrières, fréquentes dans ces mers de sable ; on n’y découvre aucune trace de végétation, si ce n’est quelques gros oignons de plantes bulbeuses qui roulent de temps en temps sous les pieds des chevaux ; l’impression de ces solitudes mobiles est triste et morne : c’est une tempête sans bruit, mais avec toutes ses images de mort. Quand le simoun, vent du désert, se lève, ces collines ondoient comme les lames d’une mer, et, se repliant en silence sur leurs profondes vallées, engloutissent le chameau des caravanes ; elles s’avancent tous les ans de quelques pas sur les parties de terre cultivées qui les environnent, et vous voyez sur leurs bords des têtes de palmiers ou de figuiers qui se dressent desséchés sur leur surface, comme des mâts de navire engloutis sous les vagues : nous n’entendions aucun bruit que la chute lointaine et lourde des lames de la mer qui brisaient à une lieue de nous contre les écueils ; le soleil couchant teignait la crête de ces montagnes de poussière rouge d’une couleur semblable au fer ardent qui sort des fournaises ; ou, glissant dans ces vallées, il les inondait de feux, comme les avenues d’un édifice incendié.

De temps en temps, en nous retrouvant au sommet d’une colline, nous découvrions les cimes blanches du Liban, ou la mer avec sa lisière d’écume bordant les longues côtes sinueuses du golfe de Saïde ; puis nous replongions tout à