Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/128

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voulant enlever des trésors et faire pénétrer des giaours dans le château.

Avec quelque argent tout se serait terminé sans bruit ; mais M. Lascaris se défendit, et, à grand’peine s’échappant de leurs mains, vint me trouver. Il n’avait pas achevé le récit de son aventure, que nous vîmes entrer deux hommes du gouvernement avec un des dénonciateurs. Ils s’emparèrent de la clef de notre chambre et nous emmenèrent, nous chassant devant eux à coups de bâton comme des malfaiteurs. Arrivés en présence du muezzin Selim-Bey, connu par sa cruauté, il nous interrogea ainsi :

« — De quel pays êtes-vous ?

» — Mon compagnon est de Chypre, lui répondis-je, et moi d’Alep.

» — Quel motif vous amène dans ce pays ?

» — Nous y sommes venus pour faire le commerce.

» — Vous mentez. On a vu votre compagnon occupé dans le château à prendre des mesures et à lever des plans : c’est ou pour s’emparer d’un trésor, ou pour livrer la place aux infidèles. » Puis, se tournant du côté des gardes : « Conduisez, ajouta-t-il, ces deux chiens au cachot. » Il ne nous fut pas permis de dire un mot de plus. Arrivés à la prison, on nous mit de grosses chaînes aux pieds et au cou, et l’on nous enferma dans un cachot obscur, où nous étions si à l’étroit que nous ne pouvions pas même nous retourner.