Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/142

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un billet pour la somme que lui-même fixerait : rien ne put le détourner de son affreux projet. Enfin, ennuyé de ma résistance, il pose ses armes contre le mur, et fond sur moi, comme un lion en fureur, pour me dépouiller avant de me tuer. Je le supplie de nouveau : « Quel mal t’ai-je fait ? lui dis-je ; quelle inimitié existe entre nous ? Tu ne sais donc pas que le jour du jugement est proche ; que Dieu demandera compte du sang innocent ?… » Mais son cœur endurci n’écoute rien… Je pense alors à mon frère, à mes parents, à mes amis ; tout ce qui m’est cher est devant mes yeux ; désespéré, je ne demande plus protection qu’à mon Créateur. Ô Dieu protecteur des innocents, aidez-moi, donnez-moi la force de résister ! Mon assassin, impatient, m’arrache mes habits… Quoiqu’il fût beaucoup plus grand que moi, Dieu me donna la force de lutter contre lui pendant près d’une demi-heure : le sang coulait abondamment de mon visage ; mes habits tombaient en lambeaux. Le scélérat, me voyant en cet état, prend le parti de m’étrangler, et lève les bras pour me serrer le cou ; je profite de l’instant de liberté que me laisse ce mouvement pour lui donner, de mes deux poings, un coup violent dans l’estomac ; je le jette à la renverse, et, saisissant ses armes, je m’élance hors de la grotte en courant de toutes mes forces. Je croyais à peine au bonheur d’être sauvé. Quelques moments après, j’entendis courir derrière moi : c’était mon assassin ; il m’appelait, en me priant de l’attendre du ton le plus conciliant. Ayant toutes les armes, je ne craignis pas de m’arrêter un instant, et, me retournant vers lui : « Infâme, lui criai-je, que demandes-tu ? Tu as voulu m’assassiner en secret, et c’est toi qui vas être étranglé publiquement. » Il me répondit, en l’affirmant par serment, que tout cela n’avait été qu’un