Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/146

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Le printemps était venu : le désert, naguère encore si aride, s’était couvert tout à coup d’un tapis de verdure et de fleurs. Ce spectacle enchanteur nous engagea à hâter notre départ. La veille, nous déposâmes chez le curé Moussi une partie de nos marchandises, afin de n’éveiller ni l’attention ni la cupidité. Naufal désirait retourner à Homs. M. Lascaris le congédia avec une bonne récompense ; et, le lendemain, ayant arrêté des moukres avec leurs chameaux, nous prîmes congé des habitants de Coriétain, et, nous étant pourvus d’eau et de provisions pour deux jours, nous partîmes de grand matin, emportant une lettre de recommandation du scheik Selim pour le scheik de Palmyre, nommé Ragial-el-Orouk.

Après dix heures de marche, toujours dans la direction du levant, nous nous arrêtâmes près d’une tour carrée, très-élevée et d’une construction massive, appelée Casser-el-Ourdaan, sur le territoire el-Dawh. Cette tour, bâtie au temps de l’empire grec, servait de poste avancé contre les Persans qui venaient enlever les habitants du pays. Ce rempart du désert a conservé son nom jusqu’à nos jours. Après en avoir admiré l’architecture, qui est d’une bonne époque, nous retournâmes passer la nuit dans notre petit kan, où nous eûmes beaucoup à souffrir du froid. Le matin, comme nous nous disposions à partir, M. Lascaris, encore peu habitué aux mouvements des chameaux, monte sans précaution sur le sien, qui, se relevant subitement, le jette à terre. Nous courons à lui, il nous parut avoir le pied démis ; mais, comme il ne voulait pas s’arrêter, après l’avoir pansé de notre mieux, nous le replaçâmes sur sa monture et continuâmes notre route.