Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/172

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leurs n’entendant pas le turc, ne comprenait rien à tout ce qui se passait ; — mais ôtant ses beaux vêtements, il les donna à trois de ses esclaves qui l’avaient accompagné. — Le vizir lui fit demander par le drogman s’il n’était pas content de son cadeau. Mehanna répondit : « Dites au vizir du sultan que nous autres Bédouins nous ne cherchons pas à nous distinguer par de beaux habits ; je suis mal mis, mais tous les Bédouins me connaissent, ils savent que je suis Mehanna-el-Zadel, fils de Melkghem. » — Le pacha, n’osant pas se fâcher, affecta de rire et d’être fort content de lui.

Enfin l’été se passa. Au mois d’octobre, la tribu se trouva aux environs d’Alep. — Mon cœur battait de me trouver si près de mon pays ; mais, selon mes conditions, je ne pouvais même pas donner de mes nouvelles aux miens. — Scheik-Ibrahim désirait aller passer l’hiver à Damas ; aucun Bédouin n’osait nous y conduire. — Nous parvînmes avec bien de la peine à nous faire escorter jusqu’à un village, à deux jours d’Alep, appelé Soghene (la chaude). Les habitants hospitaliers se disputèrent le plaisir de nous recevoir. Un bain chaud naturel a donné son nom au village, et la beauté de ses habitants doit probablement être attribuée à la bonté de ses eaux thermales.

De là nous regagnâmes Palmyre avec une peine dont nous fûmes dédommagés par le plaisir de revoir Scheik-Ragial. Ayant passé quinze jours avec nos amis, nous repartîmes pour Coriétain, où Scheik-Selim et le curé Moussi nous accueillirent avec un véritable intérêt ; ils ne se lassaient pas d’écouter nos histoires sur les Bédouins. —