Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/173

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Scheik-Ibrahim répondait à leur sollicitude amicale sur nos affaires, en disant que notre spéculation allait à merveille, que nous avions gagné plus que nous n’espérions ; — tandis que véritablement, entre les pertes et les cadeaux, il ne nous restait plus rien que les marchandises en dépôt chez Moussi. — Nous perdîmes trente jours à Coriétain à organiser notre départ. — L’hiver avançait rapidement ; personne n’osait nous fournir des montures, convaincus que nous serions dépouillés en route. Enfin Scheik-Ibrahim acheta un mauvais cheval, je louai un âne, et, par un temps détestable et un vent glacial, nous partîmes, accompagnés de quatre hommes à pied, pour le village de Daïr Antïé. Après quelques heures, nous arrivâmes à un défilé entre deux montagnes, appelé Béni-el-Gebelain. À cet endroit, vingt cavaliers bédouins arrivent sur nous. — Nos conducteurs, loin de nous défendre, cachent leurs fusils et restent spectateurs de notre désastre. — Les Bédouins nous dépouillent, et ne nous laissent que la chemise. — Nous implorions la mort, plutôt que d’être ainsi exposés au froid. — À la fin, touchés de notre état, ils eurent la générosité de nous laisser à chacun une gombaz. — Quant à nos montures, elles étaient trop chétives pour les tenter. Pouvant à peine marcher, elles auraient inutilement retardé leur course.

Nous reprîmes tristement notre chemin : — la nuit arrivait, le froid devenait excessif, et nous fit bientôt perdre l’usage de la parole. — Nos yeux étaient rouges, notre peau bleue ; au bout de quelque temps, je tombe par terre évanoui et gelé. Scheik-Ibrahim faisait des gestes de désespoir aux guides, sans pouvoir leur parler. L’un d’eux, Syriaque