Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/203

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C’était précisément les qualités que Scheik-Ibrahím désirait trouver en lui ; aussi s’attacha-t-il de plus en plus au projet de le rendre maître de toutes les autres tribus : mais les Wahabis étaient pour lui de redoutables adversaires qui, peu de jours après, tombèrent sur la tribu de Would-Ali, et se répandirent dans le désert, pour forcer tous les Bédouins à leur payer une dîme. Effrayées à l’approche de ces terribles guerriers, plusieurs tribus allaient se soumettre, lorsque Scheik-Ibrahim persuada au drayhy qu’il était de son honneur d’entrer en campagne, et de se déclarer protecteur des opprimés. Encouragées par son exemple, toutes les tribus, à l’exception de celles d’El-Hassnné et de Beni-Sakhrer, firent alliance avec lui pour résister aux Wahabis. Le drayhy partit avec une armée de cinq mille cavaliers et deux mille mardouffs ; nous fûmes dix jours sans recevoir de ses nouvelles. L’inquiétude était extrême au camp ; des symptômes d’un grand mécontentement se manifestaient contre nous, les instigateurs de cette expédition périlleuse ; notre vie aurait probablement payé notre témérité, si l’incertitude avait duré plus longtemps.

Le onzième jour, à midi, un cavalier arriva, bride abattue, faisant flotter sa ceinture blanche au bout de sa lance, et criant : « Dieu nous a donné la victoire ! » Scheik-Ibrahim fit de magnifiques présents au porteur de cette heureuse nouvelle, qui venait tirer la tribu d’une inquiétude mortelle, et nous d’un grand péril ; toutes les femmes imitèrent son exemple, selon leurs moyens, et se livrèrent ensuite à des réjouissances bruyantes. Des cris et des danses autour des feux allumés partout, des bestiaux égorgés, des préparatifs de festins pour recevoir les guerriers, mettaient le