Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/255

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état, maudissant les Bédouins et son prétendu frère Chatti, qu’il accusait de l’avoir trahi et vendu.

Cependant la nouvelle de cette riche capture se répandit dans le désert, et parvint aux oreilles de Chatti, qui, ayant été chercher ses deux témoins, vint avec eux devant Soultan-el-Brrak, chef de la tribu El-Ammour, lui déclara qu’il était frère du négociant qui venait d’être dépouillé, et le somma de lui faire rendre justice, afin qu’il pût remplir les devoirs de la fraternité. Soultan, ayant reçu la déposition des deux témoins, fut obligé d’accompagner Chatti chez le scheik de la tribu El-Nahimen, qui s’était emparée des moutons, et de les réclamer selon leurs lois. Le scheik se vit contraint de les rendre ; et Chatti, après s’être assuré qu’il n’en manquait aucun, se mit en route pour Damas, avec les bergers et les troupeaux.

Les ayant laissés en dehors de la ville, il y entra pour chercher son frère, qu’il trouva tristement assis devant un café du bazar. Il alla droit à lui d’un air joyeux ; mais celui-ci se détourna avec colère, et Chatti eut bien de la peine à s’en faire écouter, et plus encore à lui persuader que ses moutons l’attendaient hors des portes. Il craignait un nouveau piége, et ne consentit que difficilement à suivre le Bédouin. Enfin, convaincu à l’aspect de son troupeau, il se jette au cou de Chatti, et, après lui avoir exprimé toute sa reconnaissance, cherche vainement à lui faire accepter une récompense proportionnée à un tel service. Le Bédouin ne voulut jamais recevoir qu’une paire de bottes et un caffié (mouchoir) valant au plus un talari ; et après avoir mangé avec son ami, il repartit pour sa tribu.