Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/258

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conseiller, m’ayant fait connaître ses conventions, je lui fis observer que celle qui réunissait les Bédouins et les Turcs en un seul camp était fort dangereuse, ces derniers, au moment de la mêlée, n’ayant aucun moyen de distinguer leurs amis de leurs ennemis. En effet, tous les Bédouins, vêtus de même, ne se reconnaissent entre eux, au fort du combat, que par leurs cris de guerre ; chaque tribu répète continuellement le sien : Khraïl-el-Allia-Douatli, Khraïl-el-Biouda-Hassny, Khraïl-el-Hamra-Daffiry, etc. Khraïl signifie cavaliers ; Allia, Biouda, Hamra, indiquent la couleur de quelque jument favorite ; Douatli, Hassny, Daffiry, sont les noms de la tribu ; c’est comme si l’on disait : cavalier de la jument rouge de Daffir, etc. D’autres invoquent leur sœur ou quelque autre beauté ; ainsi le cri de guerre du drayhy est Ana-Akhron-Rabda : Moi le frère de Rabda ; celui de Mehanna : Moi le frère de Fodda ; tous deux ont des sœurs renommées pour leur beauté. Les Bédouins mettent beaucoup d’orgueil dans leur cri de guerre, et traiteraient de lâche celui qui n’oserait prononcer le sien au moment du danger.

Le drayhy se rendit à mes raisons, et fit consentir, quoique avec peine, Ibrahim-Pacha à une division de leurs forces.

Le lendemain nous revînmes au camp, suivis de l’armée musulmane, composée de Dalatis, d’Albanais, de Mogrebins, de Houaras et d’Arabes ; en tout quinze mille hommes. Ils avaient avec eux quelques pièces de canon, des mortiers et des bombes ; ils dressèrent leurs tentes à une demi-heure des nôtres. La fierté de leur aspect, la variété et la richesse de leurs costumes, leurs drapeaux, formaient un coup d’œil