Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/301

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crètes, pour traiter de nos affaires avec Ebn-Sihoud. Le détail en serait superflu. Il suffira de dire qu’une alliance fut conclue entre lui et le drayhy, à leur satisfaction réciproque, et le roi déclara que leurs deux corps n’étaient plus dirigés que par une seule âme. Le traité terminé, il nous fit pour la première fois manger avec lui, et goûta chaque plat avant de nous l’offrir. Comme il n’avait jamais vu manger autrement qu’avec ses doigts, je fis une cuiller et une fourchette avec un morceau de bois, j’étalai mon mouchoir en guise de nappe, et je me mis à manger à la manière européenne, ce qui le divertit beaucoup.

« Grâces à Dieu, dit-il, chaque nation croit ses usages les meilleurs possible, et chacun est ainsi content de sa condition. »

Notre départ étant fixé pour le jour suivant, le roi nous envoya en présent sept de ses plus belles juments, conduites en laisse par autant d’esclaves noirs montés sur des chameaux hegui ; et lorsque chacun de nous eut fait son choix, on nous présenta un sabre dont la lame était fort belle, mais le fourreau sans aucun ornement. Il fit donner également à nos serviteurs des sabres plus ordinaires, des machlas et cent talaris. Nous prîmes congé d’Ebn-Sihoud avec les cérémonies d’usage, et nous fûmes accompagnés hors des murs par tous les officiers de sa cour. Arrivés aux portes de la ville, le drayhy s’arrêta, et, se tournant vers moi, m’invita à passer le premier, voulant, me dit-il en souriant, tenir sa promesse. Et je l’avoue, malgré toutes les politesses que nous avions reçues à la fin de notre séjour, les angoisses que j’avais éprouvées au commencement