Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/396

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geure ; qu’autrement il viendra vous en arracher le prix de vive force, et vous précipitera dans l’affliction. » Il y avait alors là présent un chef d’entre les scheiks, qui, entendant l’ordre que Hadifah venait de donner à son fils, lui dit : « Ô Hadifah, n’es-tu pas honteux d’envoyer un tel message à la tribu des Absiens ? Ne sont-ils pas nos parents et nos alliés ? Ce projet s’accorde-t-il avec la raison et le désir d’apaiser les dissensions ? L’homme véritable se reconnaît à la générosité et à la bienfaisance. Je pense qu’il serait à propos que tu renonçasses à ton obstination, qui n’aboutira qu’à nous faire exterminer. Cais a montré de l’impartialité, il n’a fait d’outrager à personne ; ainsi, entretiens la paix avec les cavaliers de la tribu d’Abs. Fais attention à ce qui est arrivé à ton esclave Valek : il a frappé Dahis, le cheval du roi Cais, et Dieu l’en a puni sur-le-champ ; il est resté baigné dans son sang noir[1]. Je t’ai conseillé de ne prêter l’oreille qu’aux bons conseils : agis noblement, et renonce à toute vile pratique. Maintenant que te voilà prévenu sur ta situation, jette un regard prudent sur tes affaires. » Ce discours rendit Hadifah furieux : « Méprisable scheik, chien de traître ! s’écria-t-il. Hé quoi ! j’aurais peur de Cais et de toute la tribu des Absiens ? Par la foi d’un Arabe ! que tous les hommes d’honneur sachent que si Cais ne m’envoie pas les chameaux, je ne laisserai pas une de ses tentes debout. » Le scheik fut choqué, et, pour jeter encore plus de crainte dans l’âme de Hadifah, il lui parla ainsi en vers :

« L’outrage est une lâcheté, car il surprend celui qui ne s’y attend pas, comme la nuit enveloppe ceux qui errent

  1. Le texte arabe porte seulement que cet esclave était très-noir.