Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Stojan n’est plus dans la prison,
Et les coursiers ne sont plus à l’écurie.
En toute hâte la dame retourne sur ses pas,
Fait tirer le canon d’alarme,
Afin que le beg l’entende de la terrasse.
À l’instant le pressentiment d’un malheur le saisit :
Il porte la main à ses poches,
Les clefs n’y sont plus !…
Alors il s’écrie à haute voix, Mustaj-Beg :
« Mes compagnons, mes frères !…
De mes mains s’est enfui Stojan de Kotari ;
Il a enlevé ma sœur Hajkuna.
Debout, mes frères, si vous craignez Dieu !… »

Les Turcs ont le singulier usage
D’avoir toujours leurs coursiers sellés.
À l’instant les guerriers montent à cheval ;
Ils chevauchent à travers les vastes campagnes,
Jusqu’à ce qu’ils atteignent les montagnes de Kunar,
Et de Kunar les champs de Kotari.

Hajkuna, au-dessus des hautes herbes,
Souvent regarde vers les montagnes.
Voilà qu’elle aperçoit de loin un nuage
Formé par l’haleine des coursiers et des hommes :
Elle reconnaît son frère Mustaj,
Et derrière lui trente guerriers d’Udbinja.
Elle n’ose éveiller Stojan :
Des larmes brûlantes jaillissent de ses yeux,