Page:Lambert - Rencontres et entretiens, 1918.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
RENCONTRES ET ENTRETIENS

pluie et de grêle éclata subitement. Je m’empressai de chercher un abri pour laisser passer la bourrasque. Le vieillard était encore assis à la même place ; j’enfilai la porte, sans plus de cérémonie, ce qui me donna l’occasion de faire connaissance avec ce compatriote et de converser pour la première fois avec lui. Les jours suivants je continuai à parler avec cet homme, qui m’intéressait à un haut degré. Sa figure respirait la mélancolie ; ses yeux fixés dans le vide semblaient vouloir scruter quelque chose d’un passé lointain, insaisissable. Sa voix brève et même rude, quelquefois, me le représentait comme ayant été mêlé à beaucoup de tracas dans les années de sa jeunesse.

Après ces courts entretiens au seuil de la porte, j’en vins à faire au vieillard des visites qu’il semblait apprécier beaucoup, car, de plus en plus, il devenait expansif, prenant plaisir à me confier les traits saillants de sa jeunesse troublée.

Neuf mois après que j’eus fais connaissance avec ce nouvel ami, un dimanche, m’étant rendu chez lui, je le trouvai triste et silencieux. En me voyant, toutefois, il fit un effort sur lui-même pour cacher l’idée qui l’obsédait. Cela