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LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE

M

M. I. Phonétique. — Treizième lettre de l’alphabet latin. Au point de vue du classement physiologique des sons vocaux, le m est la nasale labiale, c.-à-d. la forme que prend, dans les langues indo-européennes, une nasalitation devant une consonne explosive labiale forte ou douce (<p, p, b). C’est ce qu’atteste à la fois l’orthographe du sanscrit, du grec, du latin, du français, etc. Exemples : radical sanscrit kamp, « trembler» ; lambh, « prendre » ; bimba, « reflet », etc. ; — gr., àfiçoo, « deux » ; Xâpcaj, « je brille » ; XajxSâvoj, « je prends », etc. ; — lat., limpidus, « clair » ; ambo, « deux », etc. ; — français, lampe, ambre, etc. Il y a exception toutefois à cette règle en latin devant f, ou la nasale dentale n a prévalu : injimus, infans. Cette orthographe a d’ailleurs été imitée par le français : infime, enfant.

En grec, le p., précédé d’une explosive labiale, entraine l’assimilation de celle-ci. Exemples : op.aa, « œil », pour

  • on-p.a, cf. rad., o ;t, « voir » ; parfait, T£--cpaij.p.a’., pour

"xs-Tpaji-jxat, de xpér.-ix>, « je tourne » ; parfait, xi- 6fap.^ai, pour *Tc’-Opa ;p[iai, de xp^pio, « je nourris » ; Eartait, :. :-Tptp.p.xi, pour "•cé-Tptfi-p.at, de xpifito, « je roie », etc.

Souvent, en sauscrit, en grec et en latin, le m provient d’un n labialisé sous l’influence d’un v suivant qui tombe. Exemples : sanscr., marna (génitif sing. du pron. person. de la l re pers.), pour "man-va, cf. la forme correspondante du pronom de la seconde personne, tava, pour ’tun-ra ; gr., -cqj.rj, « honneur », pour *Tiv-Fr) auprès de xt’va», «estimer, payer » ; lat., camena, musc (chanteuse), pour ’caii-rcn-a, auprès de can-o, « je chante ». Parfois, le u reste, mais en passant au b, comme dans le gr. yetp-ëpô ;, « gendre_», pour ’yav- Fep-oç, *yav-F’p-os (auprès du lat. gêner, pour ’gen-(v)er, même sens), et dans le lat., seplember, pour ’septeu-ver, « septembre, le septième (mois) », auprès du sanscrit sapian, « sept ». Parfois entin, dans les mêmes langues, un n entraîne la nasalisation en m d’une explosive labiale (p, b, v) qui la précède immédiatement, comme dans le lat. somnus, pour ’sopnus, « sommeil», auprès du gr. urevos, même sens. Autres exemples : gr., àpo ;, « agneau », pour "ày-Fsv-o ;, "ày-F’v-oç, auprès du lat. agnus, pour ’ag-ven-us, ’a(j-(v)’n-us ; lat., scamnum, « escalier, escabeau », pour ’scad-ven-um, ’sca{dyv-n-um, auprès de scand-o, « je monte ».

Le sanscrit et le latin s’accordent pour présenter un m à la finale là où le grec répond en général par un v, comme dans sanscr. dânam, lat. dunum, mais gr. Swpoy, « don ». Il est probable qu’en grec le v s’est généralisé, en pareil cas, sous l’influence d’une explosive dentale voisine, tandis que, en sanscrit et en latin, c’est l’influence d’une labiale qui a prévalu, du moins en ce qui regarde les formes sur lesquelles se sont modelées à cet égard la plupart des autres. La série des mots latins qui font exception comme nomen, « nom », certainement pour "nomen (t), vient à l’appui de cette explication. La caducité du ni final eu latin est attestée tout à la fois par I’élision prosodique des syllabes terminées par cette lettre devant un mot commençant par une voyelle, par le traitement analogue de la préposition-préfixe com, cum, « avec », réduite à co en composition devant une voyelle (co-ago) et par le témoignage des inscriptions qui présentent de nombreuses formes dépourvues de cet élément final. Le phénomène s’est généralisé dans la transition du latin aux langues romanes, dans lesquelles le m désineutiel n’est pour ainsi dire jamais resté. Rien n’a plus contribué à détériorer la déclinaison latine et à favoriser la substitution dans ces langues, et particulièrement en français, de la syntaxe analytique nécessitée par l’usure des indices casuels à la syntaxe synthétique du latin. Paul Kegnaud.

IL Paléographie. — La lettre M de l’alphabet latin est le mu grec dérivé du mem (eau) phénicien, ayant la