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sins dans leurs cabanes et les petites oies dans leurs enclos. D’autres fois, elle allait chercher, dans un plat, tous les œufs du poulailler et les étalait devant lui. Alors il choisissait, suivant sa fantaisie, le plus blanc, le plus rond, le plus beau et Angèle, le sourire aux lèvres, les lui faisait cuire dans une petite poêle, avec le jaune entier. Rien n’était trop beau et trop bon pour lui. Chaque soir, pour le lendemain, elle brossait ses habits et passait du noir sur ses chaussures. Une fois par semaine aussi elle lavait avec un soin religieux le surplis dont il se servait comme enfant de chœur, le dimanche.

Les années et les années passaient paisiblement, faisant suivre les rudes hivers, les printemps plus cléments et les automnes venteux. Pierre était devenu un jeune homme sage, aux goûts mystiques. Sa chambre ressemblait à une chapelle aux quatre murs tapissés d’images saintes et de crucifix. Avec l’aide d’Angèle il s’y était élevé un autel, où luisait une blanche nappe brodée au point de Venise. Deux grands cierges s’y dressaient, plantés en de vieux chandeliers, devant une gravure en couleurs qui représentait le Crucifiement.