Page:Landes - Contes et légendes annamites, 1886.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son fils, voulant mourir. Le supérieur lui dit : « Vous ne savez ce que vous faites, laissez-moi chercher un moyen pour vous tirer d’affaire. » Il écrivit alors un avis dans lequel il était dit que la nuit précédente une inconnue était venue derrière la pagode et y avait mis au monde un fils sans que personne s’en aperçut à cause de l’obscurité. Au matin on avait trouvé là un petit garçon qui avait été remis à Thi phù pour l’élever ; chacun était invité à venir voir s’il le connaissait. Naturellement personne ne reconnut l’enfant et Thi phù continua à l’élever. Il grandissait de jour en jour, et, sauf un seul détail, n’avait du reste rien d’extraordinaire. Il avait beaucoup d’intelligence et travaillait assidûment. Le supérieur voulant lui donner un nom pour qu’il put passer ses examens dit : « Puisque son père parlait comme un Chinois, nous allons donner à l’enfant le nom de Ngô[1], thi Bûu (précieux) sera son prénom[2]. À l’âge de treize ans il passa ses examens et fut reçu le premier dans les trois épreuves successives. Il fut l’ancêtre d’une famille chez laquelle les honneurs se sont perpétués. Sur l’emplacement de l’auberge de Chàu thi phû le nid de termites n’a cessé de s’élever et est devenu aussi grand qu’une colline. (Cette histoire se passait sous la dynastie Ly).



  1. C’est le nom d’une ancienne dynastie chinoise par lequel on désigne les Chinois dans l’Annam.
  2. Ce prénom se compose de deux éléments, le prénom proprement dit, c’est-à-dire le nom individuel (en annamite tên, en chinois danh) et le nom intermédiaire, chu tôt (tôt, doubler, doublure) qui est vàn pour l’immense majorité des Annamites. Les individus qui aspirent à se distinguer choisissent seuls un autre mot qu’ils ont soin de prendre parmi ceux qui représentent des idées élevées ou de bon augure. Le plus souvent ces chu tôt deviennent héréditaires et tendent à constituer de véritables noms patronymiques. Il arrive cependant que les enfants en changent en prenant à leur tour un mot qui, dans l’écriture chinoise, a un élément seulement (clef ou phonétique) commun avec celui de leur père.