Page:Landes - Contes et légendes annamites, 1886.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblant d’être tout joyeux de le voir et lui cria : « J’ai là un instrument de musique admirable ; si tu es fort, passe la queue entre les cordes et tire-la de manière à produire un son pareil[1]. Laisse-moi seulement me mettre à distance et tire ensuite. » Le tigre y consentit ; il laissa partir le lièvre et introduisit sa queue entre les bambous. Arriva un coup de vent qui les froissa tous les uns contre les autres et la queue du tigre fut coupée.

Le tigre se mit à la poursuite du lièvre pour le battre ; le lièvre se réfugia prés d’un nid de guêpes. Quand le tigre aperçut le lièvre il lui cria : « Tu m’as trompé, tu m’as fais écourter et tu t’es réfugié ici. » Le lièvre fit semblant d’être tout joyeux de la rencontre ; il salua le tigre et lui dit : « J’ai là un magnifique tambour ; si tu es fort, donne-lui un grand coup, tout le ciel en retentira. Seulement laisse-moi me mettre un peu loin. » Le tigre y consentit et donna un grand coup dans le nid de guêpes ; les guêpes se jetèrent toutes sur lui et il hurla à remplir toute la forêt de ses cris.

Il se remit à la recherche du lièvre qui, en le voyant approcher, sauta dans un puits abandonné. De là il dit au tigre : « J’ai entendu dire que le ciel allait tomber, que fais-tu encore là ? » Le tigre demanda au lièvre comment il fallait faire pour échapper à la mort. Le lièvre lui répondit : « Si tu veux échapper, descends avec moi dans ce puits ». Le tigre sauta dans le puits. Le lièvre alors le tracassa tellement que d’un coup de patte le tigre l’envoya hors du puits. Le lièvre se mit à crier et à appeler les gens du village qui vinrent et tuèrent le tigre.

Le lièvre était allé manger des patates dans un champ quand il fut pris. Il se mit à faire le mort ; alors celui qui l’avait pris le jeta, et il se sauva.

  1. Il s’agit ici du son que produisent les bambous frottés les uns contre les autres par l’action du vent ; le lièvre défie le tigre de produire un son pareil en se servant de sa queue pour faire vibrer les bambous.