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Le lendemain ils allèrent accuser le patron du bateau d’avoir volé leur tortue d’or, naturellement celui-ci nia. La tricheuse lui dit : « Parions ! si la tortue n’est pas dans votre bateau tous mes biens vous appartiendront, mais si on l’y trouve, je gagnerai tout ce qui vous appartient. » Sûr de son innocence, le patron accepta cette gageure. On prit à témoin les autorités du village, ensuite on fouilla le bateau et l’on trouva la tortue d’or. La tricheuse s’empara donc de tous les biens du patron et le réduisit lui-même à la condition de laboureur.

Trois ans se passèrent sans que la femme vît revenir son mari. Elle allait chaque jour attendre son retour au bord de la mer ; un jour, elle vit une pamplemousse[1] flotter jusqu’à elle. Elle avait beau la repousser dans l’eau, la pamplemousse revenait toujours. La femme enfin la retira de l’eau et y trouva une lettre de son mari qui lui disait qu’il était tombé aux mains d’une tricheuse. Dans la maison de cette tricheuse, ajoutait-il, il y a une tortue d’or qui est celle qui a servi à me faire tomber dans le piège, deux chats qui portent une chandelle sur leur tête, et un arbre desséché qui reverdit quand on le met en terre en un certain endroit.

La femme ne mit pas ses parents au courant de ce qu’elle avait appris, mais elle leur demanda la permission d’aller à la recherche de son mari. Elle équipa un bateau, emporta une troupe de rats et emmena avec elle un orfèvre. Elle alla mouiller avec son bateau devant la maison de la tricheuse.

Celle-ci l’invita à descendre à terre ; ensuite pendant la nuit elle fit porter la tortue d’or dans le bateau. Au matin, elle vint

  1. De même, dans une pièce de théâtre annamite intitulée Kim long xich phung, un vieux pêcheur voit toujours revenir à lui un coffre flottant sur la rivière et dans lequel il trouve enfin ses petits enfants abandonnés et qu’il élève sans les connaître.