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Parvenu à l’âge de dix ans, l’enfant se distingua par son intelligence. Le supérieur le fit étudier, et il comprenait dix lignes à la fois[1], aucun autre écolier ne l’égalait. Ouand il eut seize ans, sa mère demanda au bonze de lui donner un nom pour qu’il put se présenter aux examens[2]. La nuit elle rêva que quelqu’un lui disait : « Demain ordonne à l’enfant de monter sur le caki[3], il trouvera son nom écrit au creux de l’arbre. » Le lendemain matin elle le fit grimper sur le caki et il vit que l’on avait gravé dans le creux de l’arbre les trois mots : Luong qui chành. On le fit donc inscrire sous ce nom dans les registres du village, et il alla passer ses examens et fut reçu licencié. À son retour, les gens du village et ses amis lui offrirent un banquet. Quelques jours après le supérieur mourut et l’on constata que c’était un hermaphrodite[4], et qu’on l’avait injustement accusé d’être le père de l’enfant.


II


Dans le huyên de Huong son vivait une veuve nommé Lè thi nhàn qui, voyant que Thi phuoc avait, par sa pénitence, obtenu un enfant du Ciel, voulut elle aussi se retirer dans la même pagode pour obtenir la même faveur. Chaque nuit, lorsque tout le monde dormait, elle allait se prosterner devant l’autel et suppliait le Bouddha de lui accorder un fils.

  1. C’est-à-dire que d’un seul coup d’œil il voyait tout ce qu’il y avait dans une page.
  2. Il est nécessaire pour se présenter aux examens d’être pourvu d’un état civil régulier et de faire constater que l’on n’appartient pas aux catégories de personnes qui en sont exclues.
  3. Diospyros caki, arbre commun au Tonquin, dit-on, mais qui n’existe pas dans nos provinces.
  4. Lai cài. L’hermaphrodisme va naturellement avec l’impuissance, puisque la plupart des hermaphrodites sont réellement des femmes.