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Il voulait chercher un moyen de se faire roi, mais il réfléchit et se dit : « Je suis vieux et je n’ai pas de fils. » Là-dessus, il résolut de donner la couronne à son gendre. Il retourna donc en Chine, ordonna à son gendre d’exhumer le corps de son père et de le briûler, afin d’en porter les cendres dans l’Annam, dans un lieu où se trouvait la gueule du dragon.

    — Le dragon azuré et le tigre blanc, représentants eux-mêmes les principes mâle et femelle de la nature, sont pour ainsi dire universellement présents dans la constitution géologique de notre globe. La situation des différentes parties de leurs corps est indiquée à l’œil du devin par les sinuosités des montagnes et des rivières ; certaines influences astronomiques, la respiration de la nature (khi), les accidents du terrain, viennent favoriser ou combattre l’action de ces éléments primordiaux. [In devin exercé reconnaît en tous lieux le corps et les membres du dragon et jusqu’aux veines de son corps, partant de son cœur sous la forme de chaînes de collines. En général, il y a accumulation de force vitale auprès de la poitrine du dragon, tandis qu’aux extrémités l’énergie du souffle de la nature est à peu près épuisée. Mais, même au cœur du dragon, des influences contraires, les vents soufflant librement, un cours d’eau coulant en ligne droite vers la plaine ouverte peuvent disperser le fluide propice et en détruire l’effet. Les meilleurs sites sont ceux où le dragon et le tigre sont enchevêtrés, tout proche du point de jonction de leurs corps. L’on doit avoir soin de laisser le dragon à gauche, le tigre à droite de l’édifice à construire.
    Les Chinois, et d’après eux les Annamites, croient que les âmes des morts restent, dans leur partie matérielle, attachées pour un temps à la tombe, tandis que la partie céleste et éthérée de ces âmes aime à errer autour des demeures de leurs descendants. Ils en concluent que la fortune des vivants dépend, dans une large mesure, de la situation favorable des tombes des ancêtres. Si une tombe est ainsi placée que la partie animale de l’esprit du mort soit à l’aise, libre de toute entrave, l’ancêtre se sentira bien disposé envers ses descendants, pourra veiller sans cesse sur eux et les combler de toutes les prospérités. Tout Chinois prend donc le plus grand soin de placer les tombeaux de ses parents dans une telle situation qu’aucune étoile ou planète dans le ciel, aucun élément terrestre, aucun souffle, aucune subtile influence de la nature, aucune configuration funeste des montagnes et des vallées ne puisse troubler le profond repos du mort et menacer ainsi la fortune de la famille. Cette situation peut être telle qu’une longue suite d’honneurs et l’empire même deviennent son patrimoine. (Eitel. Feng shui or the rudiments of natural science in China, passim.)
    Huyêt. Littéralement : caverne, trou souterrain, tombeau, désigne en termes de géomancie l’emplacement favorable à l’érection d’un tombeau.