Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/163

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production pour les mêmes frais, ou une diminution des frais pour une production égale. Or, si dans certains cas il est possible d’introduire ou d’accroître la division du travail et en même temps de réduire ses frais de manière à ne pas produire plus qu’avant, dans d’autres cas les deux choses sont incompatibles — cela était impliqué dans les observations de tantôt —. Supposons donc une entreprise où l’introduction de la division du travail, par exemple, ne puisse pas aller sans un accroissement de la production. Si pour cette production accrue il n’y a pas de débouchés suffisants, l’introduction de la division du travail, alors même que l’entrepreneur serait abondamment pourvu de capitaux, sera impossible. C’est ce qui fait que la division du travail n’existe pas, ou n’existe qu’à l’état rudimentaire, dans tant d’entreprises qui, pour une raison ou pour une autre, ne sauraient produire que pour le marché local.

81. Son histoire. — Les origines de la division du travail sont lointaines. La division du travail semble en effet être aussi ancienne que la famille. De tout temps dans la famille il y a eu une répartition des tâches, déterminée par les aptitudes particulières de chacun des membres de cette famille, ou parfois aussi réglée par la volonté despotique et égoïste du chef. Dans les entreprises productives proprement dites, la division du travail a existé dès l’antiquité. Mais c’est à partir du XVIe siècle qu’elle fait des progrès réguliers, et c’est dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, quand la grande industrie commence à prendre de l’importance, qu’elle frappe l’attention des économistes. Smith nous parle des 18 opérations nécessaires pour la fabrication des épingles. J.-B. Say, un peu plus tard, citera à son tour la fabrication des cartes à jouer, avec les 70 opérations qu’elle comporte. L’un et l’autre ils commentent longuement ces exemples, et Smith voit dans la division du travail la cause principale de l’accroissement de la production.

Depuis l’époque de Smith et de Say, la division du travail est allée, à prendre les choses en gros, augmentant[1]. Mais elle n’a pas entraîné une spécialisation croissante des travailleurs — au sens que nous avons donné tantôt au mot « spécialisation » — : les opérations, en effet, dans lesquelles la production se fractionne sont de plus en plus exécutées par des machines, et l’ouvrier dont la tâche se borne à surveiller la marche d’une machine n’a

  1. Pour se renseigner sur ce point, on peut être tenté de se servir des statistiques professionnelles (consulter, au sujet de ces statistiques, l’article Beruf und Berufsstatistik, de Zahn, dans le Handwörterbuch der Staatswissenschaften, t. II). Mais les renseignements que l’on aura par là seront très insuffisants, car la profession d’un ouvrier, et la tâche qu’il est chargé de faire dans l’industrie où il est occupé, sont souvent deux choses différentes — la deuxième étant plus déterminée que la première —. Le seul procédé d’investigation qui soit sûr, ici, c’est celui des enquêtes.