Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/178

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limites — le produit obtenu devient d’autant plus abondant que la production devient plus capitalistique. Sur ce point, Böhm-Bawerk a émis une théorie qui mérite d’être exposée et discutée[1]. Mais pour comprendre la théorie de Böhm-Bawerk, il faut expliquer tout d’abord la notion de la durée du processus productif, qui y tient une très grande place.

La durée de la production peut être mesurée tout d’abord par la distance qui sépare le premier acte du processus productif de la terminaison de ce processus. Ce concept, toutefois, n’est d’aucun intérêt pour la science économique ; et ce n’est pas à lui que Böhm-Bawerk s’attache. Il considère, non pas la durée absolue de la production, mais le temps moyen que l’on attend le produit, l’intervalle moyen qui sépare les dépenses de la production de la perception du fruit qu’on en retirera.

Soit un ouvrier qui, travaillant seul, et sans interruption, à fabriquer un objet, met 5 ans à achever son ouvrage. La durée absolue de la production aura été de 5 ans, et la durée moyenne de l’attente deux fois plus courte. Mais ce rapport simple n’existe que dans des cas tout à fait exceptionnels. À l’ordinaire, les choses ne se présentent pas ainsi. Imaginons par exemple une machine qui coûte à construire le travail de 100 ouvriers pendant une année, et qui dure 20 ans. Le deuxième stade de la production — celui dans lequel on emploie la machine — exige lui aussi le travail de 100 ouvriers, et dure un an. Par suite, pendant le temps que la machine fonctionnera on consommera chaque année : 1° 100 années de travail dépensées dans l’année même, et qui lorsque le produit s’en trouve terminé, sont anciennes en moyenne de 6 mois ; 2° un vingtième de la machine, soit 5 années de travail qui sont anciennes, en moyenne, de 10, 5 ans — en effet, le travail de construction de la machine a précédé l’achèvement de celle-ci, en moyenne, de 6 mois, il s’est écoulé en moyenne 9, 5 ans entre l’achèvement de la machine et le commencement du deuxième stade de la production, et ce deuxième stade implique à son tour une attente moyenne de 6 mois —. La durée moyenne de l’attente est donc, pour l’ensemble de cette production où notre machine intervient — car c’est cela qu’il faut envisager ici — de , soit d’une année environ[2].

  1. Voir la Positive Théorie des Capitales, liv. II, i, pp. 86-97, et particulièrement les pages 89-91 ; voir aussi Landry, L’intérêt du capital, §§ 98, 136-137.
  2. Nous avons signalé dans notre livre sur L’intérêt du capital, au § 132, le rapport assez étroit qui existe entre la notion de l’attente moyenne du produit, telle qu’on la trouve chez Böhm-Bawerk, et la notion de la rotation du capital, qui tient une grande place dans les spéculations de Marx (voir Le capital, liv. II, chap. 9,