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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/118

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fera faire de la non-conformité de leur conduite avec les sentiments moraux de leurs semblables, et sans doute aussi de l’emploi de tels ou tels procédés éducatifs. Mais, en réalité, le pouvoir de la raison est beaucoup plus grand que ne dit Leslie Stephen. Elle est capable d’affaiblir et de dissoudre les croyances morales[1] ; elle peut aussi donner naissance à des convictions pratiques qui contribueront à déterminer notre conduite, qui nous détourneront d’accomplir certaines actions et nous pousseront à en accomplir d’autres.

La raison a une influence sur nos idées, sur notre conduite ; et de plus elle possède sur toutes les autres forces de notre être une certaine primauté. C’est ici le nœud de la question. Leslie Stephen n’a pas vu nettement que la raison réclamait la direction de notre activité, et qu’elle est souveraine, qu’aucune objection ne pouvait être élevée contre sa prétention, parce qu’il appartient à elle seule de faire des objections, et qu’elle ne saurait sans absurdité se critiquer elle-même : c’est ainsi qu’il a pu vouloir fonder une morale sur autre chose que sur la raison ; et c’est pour cela qu’il a rejeté — à tort — la notion du devoir.

En définitive, il ne convient d’adopter que partiellement les vues de Leslie Stephen sur le devoir. Leslie Stephen a dit des choses qui sont excellentes en tant qu’elles sont dirigées contre la conception commune du devoir ; son argumentation démontre qu’il faut se garder de rien mettre dans le devoir de mystérieux et d’absolu ; et cette proposition est vraie — si on l’en-

  1. Dans ce sens, voir Leslie Stephen lui-même, 6, § 33 (p. 249).