Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/205

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pouvoir recourir ni à la nécessité ni à la contrainte, ont renoncé à conserver le devoir dans leurs systèmes : ils se sont bornés à montrer que leur formule du bien traduisait les croyances morales universellement reçues, ou qu’elle indiquait du moins la direction — uniforme et par là nécessaire — de l’évolution des croyances morales.

Telles sont les conceptions diverses qui ont remplacé la véritable notion du devoir lorsque les philosophes ont commencé par diriger leur attention et l’ont attachée principalement sur le bien. La dernière supprime en quelque sorte le problème moral. Celle qui veut que nous cherchions nécessairement le bien — de quelque manière d’ailleurs que l’on définisse celui-ci — affirme une thèse psychologique insoutenable. Pour ce qui est enfin de la sanction, il faudrait tout d’abord en établir l’existence, chose sans doute impossible : et même si l’on réussissait dans cette entreprise, le problème moral ne serait nullement résolu, car il y aurait toujours lieu d’examiner si l’on doit agir comme la sanction nous invite à faire.

Ç’a été une vue très profonde de Kant de comprendre que, partant du bien, on s’interdisait de rejoindre le devoir. Mais Kant est tombé dans une autre erreur en subordonnant complètement le bien au devoir, en prétendant, non pas sans doute tirer le bien du devoir par une pure analyse, mais du moins passer du devoir au bien en réduisant presque à rien la part de la synthèse. Kant dans sa philosophie morale comme dans sa critique de la raison spéculative a effectué une révolution analogue à celle que Copernic avait effectuée dans l’astronomie : ce renversement a eu pour effet,