Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/170

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ception de la vérité nue que les efforts’d’un esprit calme qui travaille à déchirer les voiles multiples dont elle est enveloppée.

Il n’est pas douteux que l’atomistique des anciens, sans posséder la vérité absolue, se rapprocha de l’essence des choses, autant que nous pouvons la concevoir scientifiquement, beaucoup plus que la théorie pythagoricienne des nombres et l’idéologie de Platon ; elle fut, en tout cas, un pas bien plus direct et plus accentué vers la science des phénomènes naturels que les théories profondes mais incertaines, qui sont sorties presque en entier des rêveries d’un individu. Cependant, on ne peut séparer l’idéologie platonicienne de cet amour infini de l’homme pour les formes pures, dans lesquelles se découvre l’idée mathématique de toutes les formes lorsqu’on en a éliminé l’accident et l’imperfection. Il en est de même de la théorie pythagoricienne des nombres. L’amour intime de tout ce qui est harmonique, le besoin d’approfondir les rapports purement numériques de la musique et des mathématiques, firent naître dans l’âme individuelle la pensée créatrice. Ainsi depuis le jour où Platon fit placer au frontispice de son école l’inscription Μηδεὶς ἀγεωμέτρητος εἰσίτω (que nul, s’il n’est géomètre, n’entre ici), jusqu’à la fin de la civilisation antique, l’histoire des inventions et des découvertes justifie constamment cette vérité que la tendance de l’esprit vers le suprasensible aida puissamment à faire trouver, par la voie de l’abstraction, les lois du monde des phénomènes sensibles.

Mais où sont donc les mérites du matérialisme ? Faudrait-il par hasard accorder aux rêveries de l’imagination la supériorité aussi bien sur le terrain des sciences exactes que sur celui de l’art, de la poésie et de la vie intellectuelle ? Évidemment non. La question présente une autre face que l’on trouve en étudiant l’action indirecte du matérialisme et ses rapports avec la méthode scientifique.

Quand nous attribuons à l’élan subjectif, au pressentiment