Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/125

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été plus haut question, des concepts généraux pour la science. L’homme vertueux, d’après Socrate, est celui qui discerne ce qui est saint ou impie, noble ou ignoble, juste ou injuste ; mais, en disant cela, il se préoccupe toujours de trouver une définition exacte. Il recherche les caractères généraux du juste, du noble, et non ce qui est juste ou noble dans tel ou tel cas. Le cas particulier doit résulter de la généralité, mais non vice versa, car Socrate ne se sert de l’induction que pour élever l’esprit à la généralité, pour la lui rendre intelligible, mais non pour fonder la généralité sur la somme des faits particuliers. À ce point de vue, il n’était que logique d’attribuer d’abord au général une réalité propre ; c’était, il semble, l’unique moyen de le rendre pleinement indépendant. Plus tard seulement, on put essayer d’assigner à la généralité vis-a-vis des individus un rapport d’immanence, qui n’enlevât rien en principe à son indépendance. On ne doit pas oublier que la théorie d’Héraclite aida beaucoup Platon et établir la séparation du général et du particulier.

Il faut maintenant bien comprendre que d’un principe absurde ne peuvent découler que des conséquences absurdes. Le mot est devenu une chose, mais une chose qui n’a d’analogie avec aucune autre, qui, d’après la nature de la pensée humaine, ne peut avoir que des qualités négatives. Mais, comme il doit aussi exprimer des attributs positifs, nous nous trouvons, de prime abord, transportés sur le terrain du mythe et du symbole.

Déjà le mot είδος ou ιδέα d’où vient notre mot « idée », porte ce cachet de symbolisme. Cette même idée désigne l’espèce par opposition à l’individu. Il nous est très-facile maintenant de nous représenter en imagination (vorstellen), pour ainsi dire, un prototype de chaque espèce, exempt de toutes les vicissitudes auxquelles sont soumis les individus et qui apparaîtra comme type, comme idéal, de tous les individus et, à son tour, comme une individualité absolument parfaite. Nous ne pouvons nous figurer ni le lion ni la rose en soi ;