Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/146

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croit que leur tendance pratique leur fit adopter la métaphysique sous sa forme la plus simple, telle qu’elle résulte de l’expérience immédiate de l’homme considéré dans ses actes (57). Cette explication est très-plausible ; toutefois, dans le système d’Épicure, la morale et la physique sont unies par un lien plus intime. Comment le rapport étroit de ces deux sciences aurait-il échappé aux stoïciens Zénon n’aurait-il pas trouvé peut-être dans l’idée même de l’unité absolue de l’univers, un point d’appui pour sa doctrine de la vertu ? Aristote nous laisse dans le dualisme du dieu transcendant et du monde auquel ce dieu imprime le mouvement ; dans le dualisme du corps mû par des forces animales et de l’intelligence immortelle séparable de ce corps. C’est là une base excellente pour l’âme contrite, du chrétien du moyen âge, qui gémit dans la poussière et aspire à l’éternité, mais non pour la fière indépendance du stoïcien.

La distance du monisme absolu à la physique des stoïciens n’est pas grande ; car pour le premier, ou tous les corps deviennent nécessairement une simple idée, ou toutes les intelligences, avec ce qui se ment en elles, deviennent nécessairement des corps. Bien plus, si l’on définit simplement le corps, comme les stoïciens : ce qui est étendu dans l’espace, il n’existe réellement pas grande différence entre leur opinion et celle des monistes, encore qu’elles semblent diamétralement opposées ; mais arrêtons-nous ici, car, quels qu’aient pu être les rapports entre le moral et le physique dans le système stoïcien, il n’en est pas moins vrai que les théories sur l’espace, dans ses rapports avec le monde des idées et des corps, appartiennent exclusivement aux temps modernes. — Occupons-nous maintenant du matérialisme renouvelé par Épicure, matérialisme rigoureux fondé sur une conception du monde purement mécanique.

Le père d’Épicure était, dit-on, un pauvre maître d’école d’Athènes, à qui le sort avait assigné un lot dans la colonie de Santos. Épicure naquit donc dans cette île vers la fin de