Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/149

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préoccupés de nous ; nous n’en devons pas moins les révérer in cause de leur perfection. »

Si l’on réunit toutes ces assertions qui semblent en partie contradictoires, il est indubitable qu’en réalité Épicure honorait la croyance aux dieu : comme un élément de l’idéal humain, mais qu’il ne voyait pas dans les dieux eux-mêmes des êtres extérieurs. Le système d’Épicure resterait pour nous enveloppé de contradictions si on ne l’envisageait au point de vue d ce respect subjectif pour les dieux, qui met notre âme dans un accord harmonique avec elle-même.

Si les dieux existaient sans agir, la crédule frivolité des masses se contenterait d’admettre leur existence ; mais elle ne les adorerait pas, et, au fond, Épicure faisait tout le contraire. Il révérait les dieux pour leur perfection, et peu lui importait que cette perfection se montrait dans leurs actes extérieurs ou qu’elle se déployât simplement comme idéal dans nos pensées : cette dernière opinion paraît avoir été la sienne.

Dans ce sens, nous ne devons pas croire que son respect pour les dieux fût une pure hypocrisie, et qu’il se préoccupât seulement de conserver de bonnes relations avec la masse du peuple et avec la redoutable caste des prêtres. Ce respect était certainement sincère ; ses dieux, insouciants et exempts de douleur, personnifiaient, en quelque sorte, le véritable idéal de sa philosophie. Il faisait tout au plus une concession à l’ordre de choses existant et il cédait sans doute aussi aux douces habitudes de sa jeunesse, quand il se rattachait à des formes qui devaient lui paraître au moins arbitraires, et ne pouvaient, par leurs détails, que provoquer son indifférence.

C’est ainsi qu’Épicure sut donner à sa vie l’assaisonnement d’une sage piète, sans s’éloigner du but principal de sa philosophie : atteindre cette tranquillité d’âme, qui a pour fondement unique et inébranlable l’absence de toute superstition insensée.

Épicure enseignait formellement que le mouvement des