Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/152

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d’autre but que de délivrer l’homme de toute crainte et de toute inquiétude, une fois ce but atteint, il n’y a plus de raison pour continuer les recherches. Or le but est atteint dès qu’on a démontré que les événements peuvent provenir de lois générales. Ici, la possibilité suffit ; car, si un fait peut résulter de causes naturelles, je n’ai plus besoin de recourir au surnaturel. On reconnaît là un principe que le rationalisme allemand du XVIIIe siècle applique plus d’une fois à l’explication des miracles.

Mais on oublie avec cela de demander si et comment nous pouvons démontrer les véritables causes des faits, et cette lacune entraîne de fâcheuses conséquences ; car le temps ne respecte que les explications qui sont enchaînées systématiquement et rattachées à un principe unique. Comme nous le verrons plus bas, Épicure avait un semblable principe : c’était l’idée audacieuse que, vu l’infinité des mondes, tout ce qui semble possible existe réellement dans l’univers, en un temps et en un lieu quelconques ; mais cette pensée générale n’a pas grand-chose à voir avec le but moral de la physique, qui doit pourtant être en rapport avec notre monde.

Ainsi, relativement à la lune, Épicure admettait qu’elle peut avoir une lumière propre, mais elle pouvait aussi l’emprunter au soleil. Quand la lune s’assombrit subitement, il est possible que sa lumière s’éteigne momentanément, mais il est aussi possible que la terre s’interposant entre le soleil et la lune produise l’éclipse par la projection de son ombre.

La dernière explication paraît avoir été sans doute celle de l’école épicurienne ; mais elle est amalgamée avec la première, de telle sorte que la réponse paraît indifférente. On a le choix entre les deux hypothèses : l’important est que l’explication reste naturelle.

Il fallait que l’explication, pour être naturelle, reposât sur des analogies avec d’autres faits connus ; car Épicure déclara que la véritable étude de la nature ne peut pas établir arbitrairement de nouvelles lois, mais doit se fonder partout sur