Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle ne mérite pas au fond. Cette logique est, en effet, strictement sensualiste et empirique ; c’est sous ce point de vue qu’elle veut être jugée : et l’on trouverait que ses principes essentiels, autant qu’on peut les saisir d’après les renseignements mutilés ou dénaturés que nous possédons, sont non-seulement clairs et rigoureux, mais encore inattaquables, jusqu’au point où tout empirisme exclusif cesse d’être vrai.

La base finale de toute connaissance est la perception sensible qui est toujours vraie en soi ; l’erreur ne peut naître que par la relation établie entre la perception et l’objet qui la produit. Quand un fou voit un dragon, sa perception, comme telle, ne le trompe pas. Il perçoit l’image d’un dragon ; à cette perception ni la raison, ni les règles de la pensée, ne peuvent rien changer. Mais s’il croit que ce dragon va le dévorer, il se trompe. L’erreur gît ici dans la relation entre la perception et l’objet. C’est, en termes généraux, la même erreur que commet le savant qui interprète mal un phénomène parfaitement observé dans le ciel. La perception est vraie ; la relation avec la cause hypothétique est fausse.

Aristote enseigne sans doute que le vrai et le faux n’apparaissent que dans la réunion du sujet et de l’attribut, savoir dans le jugement. Le mot « chimère » n’est ni vrai ni faux ; mais si quelqu’un dit : la chimère existe ou elle n’existe pas, chacune de ces deux propositions est vraie ou fausse.

Uehervveg prétend (58 bis) qu’Épicure a confondu la vérité avec la réalité psychologique. Mais, pour pouvoir affirmer cela, il faut qu’il définisse la « vérité › comme la « concordance de l’image psychologique avec un objet en soi » ; cette définition, conforme à la logique d’Ueberweg, n’est ni généralement admise ni nécessaire.

Écartons les pures querelles de mots ! Quand le fou d’Épicure se dit : cette image me représente un dragon, Aristote