Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/198

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Il parle rigoureusement le langage du naturaliste ; et, en cherchant à expliquer l’origine de l’amour sexuel, il le condamne comme une passion funeste.

Le cinquième livre, consacré à la cosmogonie, expose les origines de la terre et des mers, des astres et des êtres vivants. C’est ici qu’il est spécialement question de l’immobilité de la terre, au centre du monde.

La base de cette théorie est l’union indissoluble de la terre avec des atomes aériformes, qui, tout en étant placés sous elle, n’éprouvent pas de pression, à cause de leur solide réunion avec la terre, qui date des temps primitifs. Nous avouerons que cette explication est passablement obscure ; elle ne devient pas plus claire par la comparaison de la terre avec le corps humain, qui n’est pas gêné par ses propres membres et qui est mû et porté par les atomes subtils et aériformes de l’âme. Nous pensons toutefois devoir observer que le poëte est d’autant plus éloigne de croire à l’immobilité absolue de la terre que cette hypothèse serait en complète opposition avec l’ensemble du système épicurien. On doit se figurer l’univers, de même que tous les atomes, flans une chute continuelle ; et l’on a lieu de s’étonner que Lucrèce ne se serve pas, dans l’intérêt de son explication, du libre mouvement de recul, dans le sens de haut en bas, qu’éprouvent les atomes aériformes placés sous la terre (72).

Il est vrai que si Épicure et son école avaient élucidé complètement le rapport du repos et du mouvement relatif, ils auraient devancé leurs contemporains de plusieurs siècles.

Nous avons déjà trouvé chez Épicure la tendance à expliquer la nature plutôt par la possibilité que par la réalité.

Lucrèce énonce cette tendance avec une telle précision qu’en joignant les renseignements fournis par Diogène de Laërte, nous sommes forcés de croire que, sur ce point, nous nous trouvons en face, non de l’indifférence ou de la frivolité, comme le pensent plusieurs critiques, mais de la méthode de l’école épicurienne, formulée nettement, et même