Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/234

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rions plus nous en servir pour juger et apprécier le matérialisme ; mais, à l’aide de ces pièces seulement, nous pouvons faire disparaître les malentendus dont on est toujours menacé quand on discute cette question. Une partie des problèmes que le matérialisme soulève sont résolus, ses droits et ses torts, mis en lumière, dès que les idées, avec lesquelles nous devons toujours opérer ici, sont clairement définies ; et il faut pour cela les puiser immédiatement à leur source et étudier attentivement la marche si lente de leurs transformations.

Aristote fut le créateur de la « métaphysique ». Elle doit uniquement le nom vide de sens qui lui a été conservé, à la place occupée par les livres qui l’exposent, dans la collection des ouvrages du Stagirite. Le but de cette science est l’étude des principes communs à tout ce qui existe ; Aristote l’appelle en conséquence la « philosophie première », c’est-à-dire la philosophie générale qui ne s’attache encore à aucune branche spéciale du savoir. Aristote avait raison de croire à la nécessité de cette science ; mais une solution, même approximative, du problème métaphysique était impossible, tant qu’on n’avait pas reconnu que la généralité existe, avant tout, dans notre esprit, principe de toute connaissance. On sent particulièrement qu’Aristote a oublié de séparer le subjectif de l’objectif, le phénomène d’avec la chose en soi ; et cet oubli fait de la métaphysique d’Aristote une source intarissable d’illusions. Or le moyen âge était particulièrement porté à adopter avidement les pires illusions de cette espèce ; et ces illusions sont d’une grande importance pour le sujet que nous traitons. Elles se trouvent dans les idées de matière et de possibilité, dans leurs relations avec la forme et la réalité.

Aristote distingue quatre principes généraux de tout ce qui existe : la forme (ou l’essence), la matière (ὕλη, materia chez les traducteurs latins), la cause motrice et le but (27). Occupons-nous ici particulièrement des deux premiers principes.

Et d’abord l’idée de matière diffère totalement de ce qu’on