Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/239

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le montant de la valeur possible. De la sorte, Kant aurait complètement raison.

Mais Kant, par cet exemple, a voulu dire encore autre chose, et en cela aussi il a raison. Lorsque, en effet, après le 13 janvier 1810, notre spéculateur eut son bon de 100 thalers payé intégralement, la possibilité ne fut pas augmentée par cela qu’elle se changeait maintenant en réalité. La possibilité comme simple pensée, ne peut jamais se changer en réalité ; mais la réalité résulte d’une façon très-précise de circonstances réelles antérieures. Outre le rétablissement du crédit de l’État, accompagné d’autres circonstances, il faut encore présenter un bon réel du Trésor et non un bon de 100 thalers « possibles » ; car ceux-ci ne sont que dans le cerveau de la personne qui se représente en idée une partie des circonstances propres à amener le remboursement du papier en numéraire, et qui fait de cette idée le point de départ de ses espérances, de ses appréhensions et de ses réflexions.

On nous pardonnera peut-être la prolixité de ces explications, si elles nous permettent de conclure avec plus de brièveté que l’idée de la possibilité est la source des erreurs les plus fâcheuses et les plus nombreuses en métaphysique. Sans doute, ce n’est pas la faute d’Aristote, l’erreur principale avant de profondes racines dans notre organisation ; mais cette erreur devait être doublement pernicieuse dans un système, qui fondait la métaphysique sur des discussions dialectiques plus que ne l’avaient fait les systèmes antérieurs ; et la grande considération, acquise à Aristote précisément par sa méthode si féconde sous d’autres rapports, sembla devoir éterniser ce fâcheux état de choses.

Comme Aristote faisait découler si malheureusement le devenir et, en général, le mouvement, de la simple possibilité de la matière et de la réalisation de la forme, par une conséquence inévitable, la forme ou le but devenait, dans théorie, la véritable source du mouvement ; et, de même que l’âme fait mouvoir le corps, de même, selon lui, Dieu, forme et