Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/249

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barras en inventant la célèbre hœcceitus que souvent, sans avoir égard à la connexion des idées, on cite comme le point culminant des absurdités scolastiques. Il paraît en réalité absurde de convertir l’individualité en un effet d’une généralité ad hoc ; et cependant, de toutes les solutions tentées pour en finir avec cette difficulté, c’est encore celle qui concorde le mieux ou qui est le moins en opposition avec l’ensemble de la doctrine aristotélique.

Pour les nominalistes, la difficulté était presque nulle. Occam déclare tranquillement que le principe de l’individuation se trouve dans les individus eux-mêmes et en cela il est parfaitement d’accord avec l’Aristote qui convertit les individus en substances, mais pas avec l’Aristote platonisant, qui a imaginé les « deuxièmes substances » (idées de genre et d’espèce) et les formes substantielles. Prendre au mot le premier Aristote, c’est repousser le second. Or ce dernier est celui qui domine, non-seulement dans la scolastique, chez les Arabes et les anciens commentateurs, mais encore dans le véritable et authentique aristotélisme. Aussi peut-on regarder le nominalisme et surtout celui de la seconde période de la scolastique comme le commencement de la fin de la scolastique. Or, pour l’histoire du matérialisme, le nominalisme a de l’importance non-seulement parce qu’il fait généralement opposition au platonisme et qu’il admet le concret, mais encore parce qu’il nous permet de constater historiquement et d’une manière très-précise que le nominalisme a été réellement le précurseur du matérialisme, et qu’il fut cultivé avec prédilection surtout en Angleterre, où plus tard le matérialisme prit les plus grands développements.

Si déjà le premier nominalisme s’attache au texte des catégories aristotéliques en face des commentateurs néoplatoniciens (36), il est incontestable que la publication de l’ensemble des écrits d’Aristote influa considérablement sur la naissance et les progrès du deuxième nominalisme.