Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/262

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fausses et alors le monde entier est trompé, ou bien deux au moins sont fausses et alors la majorité des homme s’est trompée ; mais il faut savoir que, d’après Platon et Aristote, le législateur (politicus) est un médecin de l’âme, et, comme il désire rendre les hommes vertueux plutôt qu’éclairés, il a dû tenir compte des différentes natures. Les moins nobles ont besoin de récompenses et de punitions. Mais sur quelques-unes, les récompenses et les punitions n’ont pas de prise ; et c’est pour ces dernières que l’immortalité fut inventée. De même que le médecin imagine bien des choses, de même que la nourrice attire l’enfant vers mainte action, dont il ne peut pas encore comprendre l’utilité, de même agit aussi, avec grande raison, le fondateur de religion, dont le but est purement politique. »

On ne doit pas oublier que cette opinion était alors très-répandue en Italie parmi les grands et surtout parmi les hommes d’État pratiques. Ainsi Machiavel dit, dans ses réflexions sur Tite-Live (49) : « Les chefs d’une république ou d’un royaume doivent maintenir debout les piliers de la religion de l’État ; en agissant ainsi, ils conserveront aisément leur pays religieux et par suite vertueux et uni. Ils doivent encourager et soutenir tout ce qui se produit en faveur de la religion, lors même qu’ils la jugeraient fausse ; ils doivent d’autant plus le faire qu’ils seront plus prudents et meilleurs connaisseurs des affaires de ce monde. Ce procédé, les hommes sages l’ont suivi, et ainsi a pris naissance la foi aux miracles, que les religions ont célébrés, bien qu’ils fussent aussi faux que les religions elles-mêmes ; les habiles les exagèrent, quelle qu’en soit l’origine, et l’influence de ces hommes fait admettre les miracles par la masse. » — C’est ainsi que Léon X, appelé à juger le livre de Pomponace, put se dire que l’auteur avait parfaitement raison, mais que le livre faisait trop d’éclat !

Au troisième argument : « Si les âmes mouraient, le maître du monde serait injuste », Pomponace répond : « La vraie